Rwanda : Le pays propre en ordre
Du 3 décembre au 21 décembre 2018
Nous voici au Rwanda! Une frontière bien vite passée grâce aux e-visa commandés il y a quelques jours par internet. Le passage est d’autant plus aisé qu’il s’agit d’un “one border pass” qui regroupe au même endroit les guichets de sortie de la Tanzanie et ceux d’entrée au Rwanda. Le poste frontière est tout neuf, son ordre et son efficacité sont à l’image du Rwanda que nous découvrirons dans les jours suivants: bien organisé, propre et discipliné ! Pas vraiment ce à quoi l’on attend dans un pays africain… autre différence, à l’entrée du poste frontière, les routes se croisent et miracle… nous roulons à nouveau à droite, comme chez nous en Europe… et ce qui est encore mieux, certains Rwandais nous parlent en français… c’est fou !
Au moment de quitter la frontière, il est passé midi et nous décidons de nous arrêter sur un bord de route pour manger. De jeunes enfants entourent le véhicule et viennent frapper à la porte pour jouer… nous leur demandons d’arrêter, mais voilà que ça continue, et de plus belle… alors que nous ouvrons un peu brusquement la porte, nous nous retrouvons nez à nez avec Lukas. Un cycliste suisse qui est parti de Zurich et qui va jusqu’au Cap (https://lukas-steiner.com/). Nous l’invitons à entrer et à se joindre à notre repas. Ça tombe bien, Clément (cf. Tanzanie II) un ami suisse que nous avons rencontré le jour précédent nous a donné un morceau de Gruyère (un excellent fromage suisse)… c’est l’occasion de le partager, de même qu’un peu de bon chocolat… Un bon moment d’échange entre voyageurs suisses. Puis une heure plus tard, chacun reprend son chemin. Lukas va découvrir la Tanzanie et nous, le Rwanda ! La magie éphémère d’une rencontre.
Venant de la Tanzanie, majoritairement aride, voire semi-désertique par endroits, le Rwanda contraste par l’abondance de sa végétation et de ses cultures. Fruits, légumes, céréales semblent pousser ici à profusion! Partout, du fond des vallées, jusqu’au sommet des innombrables collines, des champs sont cultivés. Partout, des agriculteurs s’affairent, partout se dispersent maisons et villages… de l’entrée du pays à sa sortie, se suivent les villages, presque sans aucune discontinuité. Le Rwanda est d’ailleurs de loin le pays le plus densément peuplé d’Afrique.
Nous nous rendons directement à Kigali, la capitale, pour y accueillir Dominique et Romane, une amie suisse et sa fille du même âge que les nôtres. Depuis plusieurs années, Dominique et Romane, avaient exprimées leur volonté à nous rejoindre dans notre voyage. Profitant des vacances de Noël, elles sont venues découvrir l’Afrique avec nous pour trois semaines. Les retrouvailles sont chaleureuses et les filles tellement heureuses de revoir une de leur précieuse amie.
Pour nous, cette présence signifie également de devoir organiser notre voyage un peu différemment, notamment au niveau des hébergements. Ainsi à Kigali, nous avons loué la maison de Juvenal, un ami de Moutier. Au-delà, d’avoir un vaste espace, qui nous change de nos dix mètres carrés habituels, la maison est animée par la présence de Léontine la cuisinière et d’Ernest le gardien, tous deux aux petits soins pour nous… C’est très inhabituel d’avoir du personnel pour s’occuper de nos tâches quotidiennes, mais au final bien agréables… Ernest passera 2 jours à nettoyer l’extérieur de notre véhicule, et Léontine nous mijotera d’excellents repas et repassera même nos sous-vêtements… Wouah… Un grand merci à tous les deux !
Nos amis ont ramené de Suisse diverses pièces de rechange pour le véhicule. Notamment un nouveau vase d’expansion, qui est un réservoir en plastique qui contient l’eau de refroidissement du moteur et qui doit être étanche. Pierre-Michel s’empresse de l’installer, sous une pluie battante…
Nous partons ainsi ensemble à la découverte de cette capitale si particulière d’Afrique. Particulière, parce que moderne, propre et organisée… du moins au centre-ville… Depuis le génocide, Kagame, le président en place depuis 19 ans, a imposé ordre et discipline. La police et l’armée veillent à ce que chacun respecte l’ordre public. Du coup on ne voit ni mendiant, ni enfant traîner dans les rues, pas plus que de personne saoule. Le Rwanda passe ainsi pour être un modèle de réussite sur le continent, autant en terme de développement, que de faible taux de corruption… évidemment il ne s’agit pas d’une démocratie, mais on nous dit que la démocratie viendra après le développement… question éminemment idéologique que nous sommes bien incapable de trancher en tant que touriste. Il n’est reste pas moins, qu’au-delà de l’apparence d’une certaine richesse (belles maisons, belles voitures, jolies routes…) la majorité de la population reste très pauvre. On est bel et bien toujours en Afrique, même si les devantures des maisons sont absolument immaculées.
Au centre-ville, nous allons visiter le marché de Kimironko, le marché principal et manger dans un petit restaurant local. Le marché est haut en couleur… superbes tissus, souliers, artisanat, fruits et légumes, viandes et poissons, tout y est là, pour le plaisir de nos yeux… Une belle entrée en matière pour nos deux nouvelles exploratrices.
Nous nous rendons ensuite au musée et mémorial du génocide. Nous prenons le parti de ne pas visiter le musée avec les enfants, pour ne pas les confronter à des images trop insoutenables. Le musée est bien fait et rend hommage avec respect et dignité. Il nous permet de saisir un bout de ce passé douloureux.
Le soir suivant, nous tombons un peu par hasard sur un spectacle. Il s’agit d’une troupe de danseurs composée d’orphelins du génocide et très connus dans le pays. La représentation, donnée en l’honneur de leur vingt ans d’existence, retrace la vie des Rwandais avant le génocide, mariant danses, chants et merveilleux costumes. C’est une vraie chance pour nous de pouvoir vivre un spectacle culturel traditionnel d’une telle qualité. La troupe Inkera i Rwanda vient par ailleurs de terminer une tournée à travers toute l’Europe.
Nous profitons également de notre passage dans une capitale pour varier les plaisirs culinaires. Les saveurs mexicaines, japonaises ou italiennes nous changent un peu du poulet, frites et ugali habituels.
Nous partons ensuite tous ensemble à la découverte du pays aux mille collines. Tout est verdoyant. Nous roulons jusqu’à Butare, la seconde plus grande ville du pays. Nous allons au musée et Romane découvre ainsi comment se passe en partie l’école pour nos filles. C’est un musée ethnographique, et nous le visitons de manière détaillée avec toutes les explications nécessaires. Il n’est pas rare que nous passions deux à trois heures dans un musée, pour en apprendre un maximum. C’est l’occasion pour chacun de mieux comprendre la vie traditionnelle, souvent encore vivante dans les campagnes africaines.
Le lendemain, la route est toujours aussi sinueuse et grimpe à travers les collines… Les montées sont parfois longues et le moteur chauffe… Nous gardons un oeil attentif sur la jauge de température, ce d’autant plus que notre vase d’expansion ne tenait plus la pression depuis plusieurs semaines. Mais avec le nouveau vase, changé à Kigali, cela devrait mieux se passer… Eh bien non ! Au moment d’arriver à l’étape, la température augmente rapidement et du liquide de refroidissement coule le long de la cabine… Non de bleu! Ce n’est pas possible! ce réservoir est tout neuf! Tout neuf oui, mais mal construit! Il n’a pas tenu la pression et a gonflé comme un ballon de baudruche… Par chance, nous sommes dans un endroit magnifique, au sommet d’une colline offrant une vue panoramique sur d’innombrables plantations de thé, collines et vallons, ainsi que sur la forêt primaire du parc Nyungwe.
Le lendemain, nous tentons une réparation, en soudant le plastique avec un fer à souder. C’est l’occasion de faire l’école pratique et d’expliquer ce qu’est la soudure et de parler des divers états de la matière: solide, liquide, gazeux… très instructif, mais tout à fait inutile d’un point de vue pratique. La réparation est impossible, le vase est trop endommagé! Il nous faut rentrer à Kigali pour trouver une solution.
Comme nous sommes déjà très au sud du pays, nous décidons d’aller tout de même découvrir le lac Kivu de l’autre côté de la forêt du parc Nyungwe. Nous traversons la forêt sans y faire d’excursion, les prix étant à notre goût trop élevés pour une simple balade en forêt. Nous y faisons néanmoins la connaissance des singes Horst du Rwanda qui se prêtent volontiers au jeu des paparazzi que nous sommes. C’est aussi pour les enfants la première traversée d’une vraie jungle, comme celle de Mowgli. Puis, le lac Kivu s’offre à nous… magnifique! Nous le longeons jusqu’à Kibuye. Nous bivouaquons au bord du lac, alors que Dominique et Romane dorment dans une chambre d’un lodge avec vue sur le Congo, sur l’autre rive. Le lac est limpide et les filles en profitent pour une rapide baignade. Nous poursuivons notre route en longeant le lac, avant de nous arrêter à nouveau sur son rivage pour la nuit. Nous visitons encore un autre musée, cette fois sur le thème de l’environnement… Il ne faut pas croire que c’est les vacances!
Sur notre chemin de retour vers Kigali, nous nous arrêtons dans un village d’altitude. On y trouve une fromagerie, construite par des Suisses dans un cadre humanitaire. Comme cela arrive parfois lorsque nous nous arrêtons, c’est tout le village qui se regroupe autour de notre camion au moment d’en descendre… expérience immersive et sympathique…
De retour à la capitale, il faudra trois jours épiques pour trouver une solution de secours pour notre problème de vase d’expansion. Le premier jour, des ‘soudeurs’ nous proposent de refaire un réservoir sur mesure… en inox! Très bien, essayons… le soir, une sorte de pliage avec une feuille de métal nous attend. Ils n’ont pas réussi à faire une soudure, c’est un gros bricolage! Solution suivante… Le deuxième jour, nous tentons une réparation du vase en plastique avec un pistolet à air chaud. Joli travail! …mais tout à fait inutile. Sous pression, le vase se prend pour un poisson-lune, il gonfle! Que faire? Trouver un réservoir qui corresponde en volume et en taille à celui d’origine… À la limite du découragement nous trouvons enfin un réservoir diesel neuf en métal qui convient parfaitement. Il ne reste plus qu’à lui souder des embouchures pour les tuyaux et une goulotte pour le remplissage. C’est ce que nous faisons à la fin du deuxième jour, mais voulant finir rapidement, la goulotte est soudée du mauvais côté. Il faudra tout reprendre le troisième jour… La goulotte est déplacée, laissant la place à un trou de 5×10 cm. Facile! Il suffit de souder un bout de métal pour le boucher… On fait le tour des déchets dans le garage et voici une plaque soudée sur le trou… Mais malheureusement, la soudure n’est pas étanche… Nous décidons donc de retourner vers les soudeurs du premier jour, qui proposent de mettre un bout de cuivre pour couvrir la première plaque, c’est plus facile à rendre étanche… Ils découpent un bout de vieux radiateur à cet effet… mais vu l’état du métal et son niveau d’oxydation, la deuxième couche n’est pas plus étanche que la première. Retour au garage, et devinez quoi? Une troisième plaque est soudée sur les deux autres ! Ben voilà… c’est étanche! Reste plus qu’à remonter à la hâte le réservoir bricolé. La troisième journée se termine… Au-delà de la réparation épique, il restera le souvenir d’un bel échange humain avec les mécaniciens du garage et surtout avec Silas qui s’engagera avec énergie et loyauté pour réaliser une solution viable. Voyager en camion ou en véhicule, permet de vivre des aventures incroyables, vous ne trouvez pas ?
Durant ces trois jours de réparation du véhicule, Dominique et Romane en ont profité pour aller passer une journée de safari dans le parc national d’Akagera. C’est beau de voir leur enthousiasme à leur retour et d’entendre le récit de tous les animaux qu’elles ont eu l’occasion de voir… Côtoyer un troupeau d’éléphants en liberté et découvrir une nature sauvage telle qu’on peut uniquement la trouver en Afrique est une expérience qu’il aurait été dommage de ne pas vivre. Nous sommes heureux pour elles!
Le temps passe rapidement et nous voulons absolument être à Kampala pour Noël. Il nous faut donc sans tarder prendre la route vers l’Ouganda. Toute la famille reste tendue. Nous savons tous qu’un gros problème mécanique signifiait probablement la fin de notre voyage, alors que notre coeur a encore envie de découvrir, d’explorer d’autres pays, d’autres continents…. Mais pour l’heure, nous pouvons pleinement profiter de nos deux derniers jours au Rwanda, en découvrant l’ouest du pays. La météo couverte et parfois pluvieuse ne nous permettra pas de voir les volcans Muhabura et Mgahinga qui marquent la frontière avec l’Ouganda, ainsi que la vallée du Rift, mais la visite du pays reste bien intéressante.
